Le 17 avril, le fleurdelisé devrait être en berne

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Il y a 32 ans aujourd’hui, la Reine Élizabeth II signait la proclamation permettant l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette signature donnait suite à un accord entre Pierre Trudeau et les neuf autres premiers ministres de la fédération canadienne, à l’exclusion de René Lévesque. Quelques mois auparavant, la Cour suprême, dans une décision historique, avait désarmé le Québec en lui faisait perdre son droit de veto. Ottawa pouvait dorénavant ignorer les fondements historiques mêmes de la fédération, antérieurement défendus à la fois par le Parti québécois et par le Parti libéral du Québec. Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire aujourd’hui, cet événement constitue la pierre angulaire de notre avenir collectif et nous impose de graves conséquences.

Partage de l’information confidentielle

Ce qui était gravissime l’est devenu encore davantage depuis les révélations de l’historien Frédéric Bastien. Afin de favoriser l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui allait leur donner plus de pouvoir, au moins deux des neuf juges de ce nous pourrions dorénavant convenir d’appeler la Cour politique suprême ont partagé de l’information confidentielle avec Ottawa et Londres. Outre le fait de violer le principe de séparation des pouvoirs, le plus haut tribunal était en flagrant conflit d’intérêts puisque la Charte allait lui octroyer d’énormes pouvoirs, ce qui a conduit à ce que d’aucuns ont qualifié de « gouvernement des juges ». Les principes mêmes de la démocratie parlementaire en étaient ébranlés.

Résultat des courses : en vertu de ses dispositions sur le bilinguisme et le multiculturalisme, la Charte a ouvert la porte à des attaques systématiques contre deux acquis fondamentaux de la Révolution tranquille : l’affirmation du fait français et de la laïcité.

Nous avons d’abord perdu notre compétence exclusive en matière d’éducation, ce qui voulait dire que la loi 101 pouvait être déclarée invalide en vertu de la Charte des droits. Les magistrats fédéraux ont invalidé à trois reprises cette législation depuis 1982, autant de décisions qui fragilisent notre avenir.

La Charte et le gouvernement des juges fédéraux ont également servi à nous imposer le multiculturalisme canadien. Le principe consiste à banaliser et saper la culture québécoise sur le territoire même du Québec. Voilà comment les magistrats nommés par Ottawa ont permis chez nous les accommodements raisonnables, diminuant la propension des néo-Québécois à s’intégrer à la majorité francophone et à nos valeurs de générosité et de solidarité. Depuis le rapatriement constitutionnel, le Québec a donc perdu son statut de foyer national d’un des peuples fondateurs du Canada. Il a été rabaissé au rang d’une province comme les autres, où divers groupes cohabitent en vertu de diverses valeurs, règles et cultures.

En ce funeste jour, n’est-il pas légitime de s’interroger sur la suite qu’aura l’intention de donner Philippe Couillard à ces questions, puisqu’il les abordait durant la dernière campagne ? Utilisera-t-il la méthode Trudeau du coup de force qui nie aux citoyens leur droit d’être consultés, ou celle de la philosophie politique des fondateurs du Parti québécois qui impose une consultation populaire par voie de référendum pour les questions constitutionnelles, de si grandes considérations pour l’avenir d’une nation ?

Recul continu et sans précédent

Tout comme pour l’ensemble des provinces canadiennes, le recul du Québec, eu égard à ses compétences, est continu et sans précédent. Cette situation est d’autant plus choquante qu’elle s’est opérée à la suite des promesses de renouveau faites par Pierre Trudeau lors du référendum de 1980, à quelques jours du vote. Pour le Québec, cette hostilité des forces fédéralistes s’est poursuivie avec Jean Chrétien qui, lui aussi, avait promis du « changement » lors du référendum de 1995. On connaît la suite. S’appuyant sur un renvoi à la Cour suprême, il a fait voter la Loi sur la clarté référendaire, laquelle ne constitue ni plus ni moins qu’une négation du droit des Québécois à l’autodétermination. En ces deux occasions, le gouvernement fédéral a fait l’exact contraire de ce qu’il avait promis.

Encore aujourd’hui, certains tentent de minimiser l’impact de tels changements. Ottawa refuse même de rendre publiques les archives du rapatriement constitutionnel qui nous permettraient de faire toute la lumière sur cet événement. Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, ce dossier n’est pas clos. À cet égard, nous avons collectivement un devoir de mémoire, lequel pourrait s’illustrer par la mise en berne de notre fleurdelisé tous les 17 avril.

Pierre Karl Péladeau - Député de Saint-Jérôme
Via Le Devoir