QS ou l’ambivalence sur la question nationale

Coup de théâtre, lors de leur dernier congrès, les délégués de Québec solidaire (QS) ont rejeté à majorité (55%) une proposition qui aurait enfin permis de clarifier leur engagement indépendantiste, soit une éventuelle assemblée constituante ayant un mandat indépendantiste. Si cela en a étonné plusieurs, d’autres sont d’avis que c’était chose entendue, et qu’enfin les masques tombent. En effet, plusieurs reprochent à QS de maintenir un flou sur la question de l’indépendance. Si tel devait être une stratégie consciente, celle-ci aurait comme objectif de faciliter l’adhésion du plus grand nombre, tant chez les souverainistes, fédéralistes, que les indécis. Il y aurait donc une hypocrisie puisque QS renie par le fait même l’article premier de son programme, celui-ci qui considère «comme essentielle l’accession du Québec au statut de pays».

 

Est-ce dire que QS n’est pas un parti indépendantiste? Qu’il n’y a que 45% des membres qui sont indépendantistes? Que les membres de QS sont des idiots utiles à la solde du PLQ ? Non. Bien sûr que non.

 

QS demeure un parti indépendantiste. Cependant, on constate qu’ils sont plusieurs à être indécis ou encore que plusieurs ont peur d’avoir peur -ou peur de faire peur- en lien avec la question nationale. Ils pensent qu’en gardant ainsi l’ingénierie de la constituante, celle-ci sera plus « tentante », invitante, inclusive. D’autres, encore, souhaitent que le Québec demeure une province. C’est humain, dira-t-on.

 

Perpétuer le statu quo

 

Quoi qu’il en soit, alors que les tenants de la constituante «ouverte» ont gagné cette manche, il est difficile de ne pas être déçu et attristé d’une telle nouvelle. Ces derniers ne semblent pas comprendre que, sous le couvert d’une assemblée constituante sans mandat prétendument plus démocratique et inclusive, ils perpétuent le lit de l’ambiguïté et du désintérêt envers l’idée de faire du Québec un pays. Pensent-ils davantage convaincre, notamment les personnes issues des diverses communautés culturelles et les nouveaux arrivants, alors qu’ils ne sont pas eux-mêmes fixés et fiers de leur option? À quoi bon une formidable constitution progressiste-féministe-antiraciste-écologique et qui lutte contre le néolibéralisme, si celle-ci débouche sur le statu quo national et de facto sur l’impossibilité de réaliser tout ce que ladite constitution avait entendu de faire? Car le renouvèlement du fédéralisme canadien est une non-avenue. Le programme de QS est très clair à cet égard: «Le fédéralisme canadien est irréformable sur le fond. Il est impossible pour le Québec d’y obtenir l’ensemble des pouvoirs auxquels il aspire, sans même parler de ceux qui seraient nécessaires aux changements profonds proposés par QS.»

 

Mais alors, pourquoi entretenir l’idée qu’une constitution par le peuple, moindrement ambitieuse, pourrait voir le jour et s’appliquer dans le cadre canadien? Il est convenu que la démarche de la constituante se veut ouverte et démocratique, mais de nier que cette constituante doit fondamentalement se conjuguer avec l’indépendance est mensonger et amènerait le peuple québécois dans un cul-de-sac malheureusement trop familier. «L’erreur des adeptes de l’ouverture est de penser la constitution d’abord et le pays après (si nécessaire), alors que les deux doivent être articulés dans un même processus », écrit à ce propos Jonathan Durand Folco. «Comment peut-on créer une constitution québécoise différente de l’ordre établi si on engage ce processus à l’intérieur de cet ordre politico-juridique? », de soutenir quant à lui Sasha-A. Gauthier.

 

La nature a horreur du flou

 

Alexandre Leduc, ex-candidat de Québec solidaire dans Hochelaga-Maisonneuve et un des porteurs de la proposition, affirmait récemment que l’adoption de la constituante avec mandat est essentielle pour des raisons de clarté et d’honnêteté: «En effet, laisser entendre que le résultat de ce processus ne débouchera pas nécessairement sur un projet de pays sème la confusion. Cela nous éloigne des indépendantistes convaincus sans nous rapprocher des indécis.» La nature a horreur du flou. Comme Pierre Bourgault le clamait si bien: «nous avons le devoir de ne rien cacher à la population de ce que nous croyons nécessaire et vrai ».

 

Ce qui distingue les trois partis indépendantistes (PQ, QS, ON) sur la question nationale, c’est d’abord le processus d’accession à l’indépendance, mais également leur engagement assumé et gestes concrets quant à la construction du pays réel. Depuis plusieurs années, le PQ nous a habitués à un flou artistique sur l’enjeu essentiel et s’est évertué à repousser le tout aux calendes grecques, inventant pour le coup diverses variantes d’étapisme (gouvernance souverainiste, etc.). Pour faire court, le PQ a depuis trop longtemps peur de son ombre et n’en finit pas de renier sa raison d’être. Mais voilà que QS, celui-là même qui exige de la part du PQ une démarche claire pour l’indépendance dès un premier mandat, joue à la même enseigne que le PQ! La boucle est bouclée. Tout est dans tout. Et la convergence indépendantiste nulle part!

 

Pour l’un et l’autre, la problématique demeure entière, voire est existentielle. Chez QS, bien qu’il s’en est fallu de peu, rien actuellement dans le mode d’accession à l’indépendance prévu dans sa plateforme ne garantit l’engagement véritable de faire l’indépendance. Il y a là incohérence. Par ailleurs, lorsque Amir Khadir mentionne: «la souveraineté si nécessaire, mais pas nécessairement», il faut comprendre que le projet «de gauche» de QS, prend le dessus sur l’indépendance du Québec.

 

Récemment, le même Amir Khadir affirmait de plus belle que «pour l’instant, les chances de faire l’indépendance sont, au mieux, très minces», reprenant presque la rengaine défaitiste et éteignoir d’un Jean-François Lisée. Pourtant, on apprenait dans le dernier sondage Léger Marketing que 41% de la population voterait «Oui» à un référendum sur la souveraineté, cette proportion grimpant à 52% chez les francophones, et ce alors qu’il n’y a pas actuellement de grande mobilisation envers le projet de pays.

 

De la sorte, le rejet par les délégués de QS d’une assemblée constituante avec mandat, incarne une belle occasion manquée et épouse un certain attentisme que n’aurait pas renié le PQ, voire même la CAQ. C’est peut-être même là pour QS une erreur stratégique de taille, et ce alors que la création d’un NPD-Québec pourrait advenir et immanquablement brasser les cartes sur l’échiquier «national». Qui plus est, ceux qui ont voté contre la proposition ont-ils oublié que de nombreuses personnes chez Option nationale seraient prêtes à joindre leurs rangs si QS en venait à prendre un engagement clair en vue de la marche vers l’indépendance?

 

La clarté d’un engagement et la superbe qui l’entoure ont des vertus que l’électoralisme à courte vue et la peur ne disposeront jamais. Celles de rêver à demain, et de se voir, déjà, vaincre.

 

Étienne Boudou-Laforce

Via Le Huffington Post