Bayer est un géant allemand de l’agrochimie et de la pharmacie. On le sait depuis une semaine : la corporation vient de racheter l’entreprise numéro un dans le domaine des semences, Monsanto, une acquisition de 66 milliards de dollars. Monsanto, c’est (c’était?) cette firme au cynisme débordant qui cherche à posséder l’ensemble des ressources alimentaires du monde pour ses seuls intérêts.
Le 22 octobre 2015, le ministre de l’Agriculture, Pierre Paradis, avait d’ailleurs dit d’elle qu’elle était devenue plus puissante que le gouvernement du Québec, et ce afin de justifier l’inaction de l’administration Couillard dans le dossier des pesticides qui s’avéraient dangereux. Les Américains appellent ce genre de phrase mal calculée une « Kinsley gaffe », du nom du journaliste qui l’a définie : un politicien la commet quand il a le malheur de dire une vérité évidente qui devrait normalement être tue. Cet écart a généralement des conséquences politiques.
Ce type de mastodonte dispose d’importantes ressources, qu’elle investit dans la recherche, notamment celle qui est consacrée aux organismes génétiquement modifiés. Ces derniers sont censés être compatibles avec les pesticides vendus par ces mêmes géants. On en saisit d’emblée la logique lucrative.
On n’arrête pas le Progrès…
Dans les années 1980, les transnationales spécialisées dans les biotechnologies ont réussi à imposer, aux États-Unis, une modification des lois en leur faveur, accordant des brevets donnant l’exclusivité de la recherche aux entreprises de semences, et ce, au détriment des agriculteurs. De 1997 à 2010, Monsanto a intenté 144 procès et négocié 700 arbitrages en vertu de ces brevets, sous prétexte que ses semences génétiquement modifiées étaient utilisées sans paiement de redevances. Nous avons alors assisté à la prolifération des OGM, protégés sur le plan réglementaire, désormais plus qu’omniprésents aux États-Unis.
Les OGM sont le résultat du développement de la recherche dans les biotechnologies, lequel est justifié et motivé par des impératifs de croissance économique à tous crins. La tendance a fait des « petits » (et surtout des très gros…), favorisant les fusions et acquisitions dans le domaine. Suite au rachat de Monsanto par Bayer, deux tiers des semences et trois quarts des pesticides -à l’échelle mondiale- seront sous le contrôle de trois corporations. Exit aussi la biodiversité, alors que se dessine à l’horizon l’uniformisation des produits.
Tout cela est extrêmement inquiétant pour l’avenir de la sécurité alimentaire, en plus de renforcer une véritable dictature économique. Et on ose encore nous faire croire qu’en bout de ligne les populations auront droit à de la véritable nourriture. Elles risquent plutôt de finir intoxiquées, comme la démocratie l’est à l’heure actuelle…
Simon-Pierre Savard-Tremblay