Si la concertation est nécessaire à la cohésion sociale, la volonté politique l’est tout autant. Un parti élu devrait logiquement détenir la légitimité pour appliquer son programme. Le présent gouvernement a plutôt choisi la voie de la consultation, symptomatique de l’éternelle recherche du consensus qui semble gangréner notre démocratie. Mais le consensus n’est pas venu. Des décisions qui ne devraient pourtant pas être si difficiles à prendre ont été remises à plus tard : chantiers, conseil national des universités, etc. Le gouvernement nous montre ainsi qu’il voit dans la multiplication des structures bureaucratiques une solution plutôt qu’une part du problème. Le débat autour d’une question aussi technique que celle des droits de scolarité monopolise l’espace public depuis déjà un an. Peut-on être dès lors étonné de la stagnation politique du Québec avec une telle culture de l’impuissance ?
Le Sommet symbolisa en lui-même le fait que le débat sur l’éducation a été détourné exclusivement vers la question des frais de scolarité. Un financement universitaire adéquat est évidemment nécessaire à une éducation de qualité, mais nous aurions pu également aborder collectivement le rôle de l’école dans la Cité. Nous n’entendons en effet que trop peu de contributions à ce propos ; c’est pourquoi, il nous semble important d’en soulever quelques points.
La dénaturation de l’éducation n’a aucunement été analysée au cours de la grande « consultation » des derniers jours. Pourtant, l’école québécoise, issue de la réforme pédagogique des années 2000, est un échec : en prônant l’acquisition de compétences au détriment de la transmission de connaissances, elle restreint l’éducation à un rôle strictement technique et utilitaire. Les compétences valent-elles quelque chose sans connaissances ? Lorsque les connaissances disparaitront, le savoir, lui aussi, disparaitra. Exit le progrès ! L’incompétence de l’école dans ce domaine ne mène à rien d’autre qu’au déclin de la société. Le « relativisme des connaissances », qui se voudrait garant de l’ouverture d’esprit, est en réalité une manifestation de sa fermeture. Nous sommes de plus en plus étrangers à nos origines : nous ne voulons plus savoir ni comprendre d’où nous venons. Pourtant indispensable à l’épanouissement de l’esprit, la culture générale permet de transmettre une culture commune à tous les citoyens. Mais aujourd’hui, le mot « culture » fait référence à n’importe quoi : culture de la danse, culture culinaire ou du festif, etc. La culture devrait cependant s’employer avec un « C » majuscule : elle n’est pas relative, ne doit pas être relativisée car elle est à la fois nationale et occidentale. L’éducation classique que nous prônons désire élever l’individu et non le rabaisser.
En écoutant les moindres caprices de l’élève, le système éducatif le conforte dans un individualisme obtus, contribuant paradoxalement à limiter sa capacité de jugement et de réflexion. Il tend également à développer chez l’élève le réflexe pavlovien de l’accommodement et de la tolérance systématique à l’égard de toute forme de marginalité. L’école se caractérise désormais par un oubli de la société en général, de ses normes et de ses institutions : cela se traduit notamment par le refus de s’intéresser, sinon d’assumer, l’identité nationale du Québec, son histoire et sa culture. L’idée même d’une éducation nationale semble actuellement inconcevable. L’éducation n’est-elle pourtant pas le moyen par lequel la société renouvelle perpétuellement les conditions de sa propre existence ? L’éducation ne permet-elle pas à l’individu de se placer au sein d’une entité qui le préexiste et le dépasse ?
La maximisation des critères d’accessibilité et la démocratisation ont conduit à un abaissement grandissant de la réussite à l’école. L’autorité du maître y est également remise en question. Or, quelle valeur faut-il attribuer à la réussite lorsque celle-ci est étrangère à la notion d’effort et d’autorité ? La valorisation du mérite et de l’excellence ne s’oppose aucunement à l’accessibilité aux institutions d’enseignement pour tous.
Malheureusement, ces questions sont rarement débattues dans les officines bureaucratiques. À croire que les technocrates préfèrent se cantonner au simple cadre administratif. Force est d’admettre que, jusqu’à maintenant, la transmission du savoir aura été l’arlésienne du débat sur l’éducation. Espérons qu’un questionnement plus profond s’inscrive dans les suites du Sommet.
L’exécutif national de Génération Nationale