Un débat qui nous appartient

J’aimerais réagir à l’article Un débat qui ne leur appartient pas, paru dans Le Devoir du 1 février, qui soutient notamment que les jeunes participent peu au débat sur la Charte de la laïcité, car ceux-ci seraient « intimidés » par les plus vieux, mais également qui rapporte que bien peu d’organisations jeunes se sont prononcées dans le débat.

D’abord, les affirmations et citations de l’article m’ont offusquées à maintes reprises de par leur condescendance et infantilisation gratuite, particulièrement les interventions des trois ex-leaders étudiant, soit Gabriel Nadeau-Dubois, Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin.

Ces derniers travestissent la réalité en essayant de construire une opinion publique par rapport aux jeunes et la Charte, laquelle seraienst défaitiste. Faut-il rappeler que l’opinion de trois anciens leaders étudiants ne représente pas la réalité des jeunes vis-à-vis la Charte. D’aucune façon ils ne parlent au nom de la totalité de la jeunesse. Et pourtant, c’est un peu ce qui émane de l’article, à l’effet que les jeunes serait craintifs à se prononcer face à la Charte, pire encore, que ce serait trop complexe pour eux, sous-entendu par la phrase suivante : «C’est un débat hautement politique et les jeunes ne veulent pas y toucher.».

S’ils sont moins présents et mobilisés dans l’espace public, ce n’est pas à cause « des plus vieux » qui les intimideraient de par leur prise de parole. Il y en a eu lors du débat des frais de scolarité et les jeunes ne s’en sont point formalisés pour autant. Avancer que les jeunes sont « intimidés » par leurs aînés, et quoi encore!

Puis, qu’il est navrant et triste de voir le jeune Léo Bureau-Blouin affirmer que: « Si les jeunes participent moins, c’est qu’ils sont de toute façon moins enclins à participer aux débats sur la place publique, quels qu’ils soient. » M. Bureau-Blouin ne fait qu’entretenir ici le préjugé selon lequel les jeunes seraient passifs et apolitiques, et participe de façon générale au cynisme ambiant. Dommage, car le jeune député avait pourtant participé à démontrer en 2012 que notre jeunesse était éloquente, réfléchie, mobilisée et créative, poussant certains à parler du « réveil d’une génération ».

Si M. Bureau Blouin rajoute plus tard que « le processus de commission parlementaire peut leur paraître rebutant [et complexe] », avançons simplement cela n’a pas empêché Samuel Samson, jeune cégépien de 20 ans de déposer et défendre un mémoire - de 58 pages tout de même! - en commission parlementaire, le tout avec une belle éloquence. Un autre exemple d’une jeunesse en action? L’ Association étudiante du département de sociologie de l’Université de Montréal a pris position collectivement contre le projet de Charte des valeurs, avec l’appui de plusieurs professeur.e.s et diplômé.e.s., et à fait entendre sa position sur la place publique.

Dans l’article, il est faux de prétendre qu’« il n’existe pas d’organisme jeunesse qui s’intéresse spécifiquement aux questions d’identité ou de valeurs .». Il existe notamment Génération Nationale, un groupe de jeunes indépendantistes qui a à cœur le respect de la langue française, l’affirmation identitaire, l’éducation, mais également qui prône une laïcité véritable et respectueuse de notre patrimoine. Le mouvement a organisé un colloque sur la Charte avec plusieurs personnalités publiques, dont Bernard Landry, Djemila Benhabib et Mathieu Bock-Coté où plus de 300 personnes se sont déplacées pour entendre parler et débattre du sujet de la laïcité.

Par ailleurs, on a l’impression que, sur divers dossiers, dès lors que la mobilisation des jeunes n’atteint pas les sommets obtenus lors du « printemps érable » - la plus grande mobilisation étudiante de l’histoire du Québec -, il advient qu’on décrive l’implication des jeunes comme étant faible ou autres raccourcis du même type.

Ce n’est pas parce que les jeunes ne sont pas dans la rue et que les trois grandes associations étudiantes ne prennent pas position que les jeunes ne se sentent pas interpellés, qu’ils ne posent pas d’actions et qu’ils ne réfléchissent pas aux enjeux liés à la laïcité de l’État. Au secondaire, au cégep et à l’Université, mais également en dehors des lieux d’enseignement, le débat est ardent et passionné. Les jeunes prennent position et il advient de savoir les entendre.

Étienne Boudou-Laforce, membre de l’exécutif de Génération nationale

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