« Le candidat à la direction du Parti québécois Alexandre Cloutier propose d’abolir le serment d’allégeance à la reine que les députés doivent prononcer et de couper les vivres à son représentant au Québec, le lieutenant-gouverneur », tel que lu dans Le Devoir.
On y explique que selon Patrick Taillon, professeur en droit constitutionnel de l’Université Laval, ce serment, « comme il s’agit d’une caractéristique secondaire et non essentielle de l’institution monarchique, peut être modifié unilatéralement par Québec ».
Par contre, selon le constitutionnaliste Benoît Pelletier, « politiquement, le gouvernement québécois aurait tort de laisser Ottawa se charger seul de cette institution [le lieutenant-gouverneur, que financent Québec et Ottawa], qui représente le chef de l’État », donc qu’il ne faudrait pas en juger selon la seule donnée de la controverse entourant les largesses de Lise Thibault…
Le serment d’allégeance à la reine
Mais concentrons-nous sur le serment d’allégeance à la reine. Il y a de quoi être d’accord, quand on considère comme moi que la symbolique est importante en démocratie, et surtout, que la monarchie n’y a plus sa place.
Prêter serment à l’État, donc au peuple, c’est bien assez pour légitimer du moins les pouvoirs que confère une élection, même si c’est loin d’être à la base un système satisfaisant démocratiquement. Alors que nous sommes loin d’une mise à jour en profondeur de notre système parlementaire britannique, ce petit changement serait bien salutaire.
Le souverainisme de province
Cependant, ce que fait Alexandre Cloutier avec sa proposition cadre tout à fait dans ce que tente de démontrer Simon-Pierre Savard-Tremblay tout au long de son livre, le très bien nommé « Le Souverainisme de province », dont je viens de terminer la lecture. Il y explique que le PQ, créé dans un esprit indépendantiste, s’est dirigé assez rapidement dans une logique provincialiste, où le désir du pays à faire s’est transformé en un désir de peaufiner cette province pas comme les autres, avec l’aide de la peur lointaine d’un référendum gagnant.
Proposer d’abolir le serment à la reine, c’est plus améliorer le Québec dans le cadre canadien que de mettre la table à l’indépendance. C’est carrément mettre la charrue devant les boeufs dans une optique souverainiste, indépendantiste, séparatiste, nommez-la comme vous le voulez! C’est tenter de réparer ce qui ne fonctionne pas pour le Québec avec la fédération alors que le serment à la reine est un argument contre la fédération.
Ceci dit, je reste pragmatique même si je suis pour l’indépendance du Québec. Si le PQ était élu avec Alexandre Cloutier à sa tête et qu’il faisait en sorte d’abolir le serment à la reine, je ne pourrais qu’applaudir, même si cela ne me rapprochait aucunement de mon rêve. Comment cela le pourrait-il, était donné que ça nous éloignerait de ce Canada qui s’enrobe de plus en plus de royauté depuis Harper sans avoir à faire un geste de rupture?
De toute façon, l’indépendantisme est à la traîne. À gauche, généralement, on préfère l’illusion qu’Harper n’est pas le symptôme d’un Canada profondément plus à droite que le Québec aux bienfaits d’une souveraineté qui pourrait arriver par la droite. Et à droite, à part quelques exceptions, on préfère mettre tout le mouvement souverainiste dans le panier de la gauche que de voir les plus qu’hypothétiques bienfaits de l’abandon d’un palier de gouvernement. Et personne ne semble remarquer comment nous sommes ankylosés…
Le provincialisme québécois, tel que j’ai pu le comprendre avec ma lecture du livre de Simon-Pierre Savard-Tremblay, me semble tellement omniprésent que je vois la dernière victoire des libéraux comme étant un de ses symptômes. La position du PQ sur l’indépendance est tellement intriquée qu’elle a servi d’épouvantable épouvantail pour miner sa crédibilité lors des dernières élections.
Au lieu de proposer d’abolir le serment à la reine, le PQ devrait arrêter de cacher qu’il propose d’abolir le lien politique avec le Canada. Et tous les candidats à la chefferie de ce parti devraient lire « Le Souverainisme de province », question de comprendre et de se rappeler pourquoi la souveraineté et le pouvoir sont en train de leur glisser entre les doigts…
Pascal «Renart» Léveillé
Via Actualités Sympatico