Le 21 janvier dernier, Maria Mourani a été sacrée candidate néo-démocrate dans la circonscription d’Ahuntsic, accompagnée par Thomas Mulcair lui-même. L’homme venu supporter sa candidate vedette. Mais quelle vedette! Une femme qui a, ces dernières années, renié tous les principes sur lesquels elle a basé son militantisme au Bloc Québécois. D’indépendantiste acharnée à fédéraliste convaincue, elle cache malheureusement très mal ses ambitions opportunistes et électorales.
C’est ce qui est grandement dégoûtant, dans un contexte où les femmes sont peu nombreuses à porter leur voix aussi bruyamment qu’elle en politique.
Chartes
Le vrai visage de Maria Mourani s’est montré pour la première fois lorsqu’elle s’est opposée au projet de Charte des valeurs québécoises proposée par le Parti Québécois en 2013. À ce moment là, elle mettait littéralement les termes laïcité et nationalisme ethnique dans le même panier, alors qu’une vaste partie de la population comprenait très bien la différence et la nécessité du premier. Mourani, les deux bras dans les airs, en avait même appelé à condamner la création de Génération nationale[1] et à discréditer l’ensemble de ses militants et fondateurs qui ont, par la suite, été les premiers à appuyer le projet du ministre Bernard Drainville. Ses propos allant beaucoup plus loin que le simple droit à la dissidence, elle s’est vue expulsée du caucus du Bloc Québécois pour dire publiquement dès le lendemain qu’elle doutait de la souveraineté. Quelle coïncidence, n’est-ce pas?
Quelques années plus tôt, elle défendait ardemment l’application de la loi 101 dans les cégeps sur le plancher du congrès du PQ en s’opposant à ce que le parti – qui voyait des réticences anticonstitutionnelles – se contente de l’actualiser dans les contraintes du régime fédéraliste canadien, soit la charte canadienne des droits et libertés.
De charte en charte, elle a finalement annoncée sa retraite du mouvement indépendantiste dans une lettre assez simpliste, « Pour protéger nos foyer et nos droits », où elle assure que la charte canadienne est le meilleur outil pour protéger l’identité québécoise. Mourani avait même poussé le bouchon en souhaitant l’abolition de la charte québécoise des droits et liberté de la personne!
La passionaria
Alors que Mourani a désormais déclaré son amour pour le Canada, il est ironique de se rappeler qu’elle fut désignée comme l’une des patriotes de l’année 2012 par la Société St-Jean-Baptiste de Montréal. Un titre honorifique octroyé aux personnalités s’étant distinguées dans la défense des intérêts du Québec. Parions que les officiers de la SSJB ont grandement regretté leur choix après coup. Il est tout aussi ironique de se rappeler que celle qui briguait la direction du Bloc Québécois en 2011, se vantait d’être la candidate du renouveau, que c’était elle qui allait réussir la lourde tâche de rassembler les militants indépendantistes de tous les horizons. Il est aussi important de se rappeler que Mourani s’est donnée corps et âme pour le Mouvement Montréal Français et que, dans le milieu, on l’associait carrément à la frange plus radicale et qu’on la désignait comme disciple du clan Parizeau. Le portrait d’une indépendantiste passionnée! Désormais, sa grande passion, après avoir fait une profession de foi fédéraliste, est de participer à une modernisation du régime canadien…
Mordre la main qui l’a nourrie
En tant que militante de longue date, j’ai toujours attendu de mes élus(es) qu’ils fassent preuve d’authenticité et de rigueur dans la défense de leurs projets et de leurs principes. Ces qualités m’ont amenée à avoir envie de participer à leurs élections et à mettre mes ressources et mes compétences à leur disposition pour leur venir en aide dans la réalisation d’une cause noble et juste. Durant la course à la chefferie du Bloc Québécois en 2011, Maria Mourani a été appuyée par le Forum jeunesse du Bloc Québécois (FJBQ) et d’innombrables militants(es), desquels elle s’est allègrement servie pour faire mousser sa campagne, pour les jeter comme de vieilles guenilles par la suite. Lorsqu’elle fut élue en 2006, 2008 et 2011 dans la circonscription d’Ahuntsic, c’est grâce à des bénévoles qui ont cru en elle et qui ont bûché pour lui permettre le privilège d’être leur députée. C’est aussi, avant tout, ses électeurs qui lui ont accordé un mandat sous la bannière indépendantiste. Un manque de respect total envers toutes les personnes qui ont contribué à son élection et à la démocratie elle-même…
« Bien sûr, nous savons que les militants sont là, d’abord, pour faire élire leur candidat. Nous aurions tout de même aimé que tu nous parles avant de prendre cette décision, et même peut-être que tu nous aurais consultés.
Nous qui t’avons entendue maintes fois dénoncer avec fougue et intelligence que nos droits collectifs en tant que nation ont toujours été bafoués par un fédéralisme canadien peu soucieux de notre volonté de survivre et même de prospérer en tant que peuple, nous sommes un peu surpris de ta foi grandissante en les pouvoirs du fédéral et la Charte canadienne des droits et libertés
Avoue-le, tu n’as jamais eu autant de place dans les médias que depuis que tu t’acharnes à vouloir détruire, systématiquement, tous les ponts avec ce projet de vie que tu disais porter dans ton cœur. »
(Lettre à Maria Mourani | Vigile.quebec, 17 décembre 2013, signée par une trentaine de militants bloquistes du comté d’Ahuntsic.
Magasiner à rabais
Lorsqu’elle a décidé qu’elle n’était plus indépendantiste, Maria Mourani a voulu démontrer que malgré ses déboires boiteux, elle restait une femme vertueuse et siégerait comme députée indépendante jusqu’à la prochaine élection fédérale. Sporadiquement, un article venait la surprendre elle-même en amenant des spéculations sur le prochain parti où elle choisirait de jouer la grande sauveuse fédéraliste. Maria a donc fait un peu de magasinage au PLC, au moment où Trudeau fils faisait de plus en plus le beau (et vide) devant les médias. Elle dit même avoir été approchée par le Parti vert! Finalement, il semblerait que les soldes l’aient davantage attirée chez le NPD chez qui elle reçoit, gratuitement, l’absolution des militants néo-démocrates qui lui pardonnent son passé indépendantiste. C’est que le NPD doit vraiment considérer Maria comme une aubaine pour passer par-dessus sa position anti-transfuges!
Maria Mourani était une femme politique d’exception. Indépendante et forte, elle n’avait peur de rien ni personne et défendait des idées auxquelles elle a rallié de nombreuses personnes. Dans sa quête désespérée d’être sous les feux des projecteurs et de conserver son comté redécoupé, elle n’est désormais plus qu’un petit rouage des grandes machines fédéralistes. Combien de temps cela prendra-t-il, selon vous, avant que sa nouvelle famille la considère comme le petit mouton noir et la mette dans un coin? Et comment pensez-vous qu’elle réagira?
Cet automne, les citoyennes et citoyens d’Ahuntsic doivent dire non à Maria Mourani et élire une candidate ou un candidat qui va réellement défendre leurs intérêts et non pas ceux du régime canadien.
Julie Durand, Responsable à l’organisation et à mobilisation à Génération nationale
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[1] L’anecdote s’est déroulée quelques mois avant la charte des valeurs. Elle était encore bloquiste et n’avait averti personne de sa sortie, encore moins le fondateur de Génération nationale qui était sur son propre exécutif.
Textes à lire :
Lettre à Maria Mourani, par Jean Archambault | Vigile.quebec, 17 décembre 2013
http://www.vigile.net/Lettre-a-Maria-Mourani
Maria Mourani tourne le dos à la souveraineté, par Marie Vastel | Vigile.quebec, 19 décembre 2013
http://www.vigile.net/Maria-Mourani-tourne-le-dos-a-la
« Pour protéger nos foyer et nos droits », par Maria Mourani | La Presse, 18 décembre 2013
La trahison de Maria Mourani, par Simon-Pierre Savard-Tremblay| Vigile.quebec, 19 décembre 2013 |
http://www.vigile.net/La-trahison-de-Maria-Mourani
Préférons l’«adhésion historique» à la «majorité historique», par Maria Mourani | Le Devoir, 25 janvier 2013
Mourani passe au NPD, mais demeure indépendante aux Communes | Radio-Canada, 19 novembre 2014
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2014/11/19/001-maria-mourani-bloc-neo-democrate.shtml
Mourani sera candidate du NPD à Ahuntsic | La Presse, 21 janvier 2015
Julie Durand
Via Indépendantes.Québec