Ces lignes sont écrites à la mi-décembre 2014. L’ambiance est à l’austérité libérale. Cela n’a rien de joyeux, mais des citoyens et des militants peuvent se réjouir d’une chose. Les sermons des blogueurs et sympathisants de Québec inclusif se font plus rares. Il y a un an, tout sympathisant de la charte des valeurs se retrouvait souvent exposé aux discours de ce groupuscule dédié à « la sensibilisation et la mobilisation de la population face aux enjeux liés à la diversité, l’inclusion et au respect des droits de la personne[1] ». Maintenant que ce débat est passé, nous revenons sur des propos affichés par cet organisme et ses membres. L’exercice est pertinent puisque ces discours, bien que plus discrets qu’avant, ont toujours cours aujourd’hui et laissent leur trace dans les débats publics et les réseaux sociaux. Ces discours se réclament de la tolérance, du pluralisme et de l’ouverture, mais semblent surtout servir à diaboliser des idées et des personnes. Le lecteur doit noter que, dans les prochains paragraphes, nous emploierons souvent le terme « inclusif ». Nous utiliserons ce mot pour désigner les idées et propos déployés par les membres de Québec inclusif, ni plus ni moins.
La lecture critique des écrits de Québec inclusif, produits par une poignée d’individus, révèle vite une chose. Nous sommes face à une idéologie moralisatrice qui, telle une Sainte Écriture, déclare ce qui est Bien et ce qui est Mal. Sur son blogue du Huffington Post Québec, le philosophe anticharte Michel Seymour déclare que le gouvernement péquiste « s’engage sur la voie du repli identitaire[2] ». Dans un autre texte du même site, il décrit la laïcité française anticommunautariste, base idéologique de la charte des valeurs, comme une « marque d’intolérance, fondée sur l’incapacité à prendre en compte l’identité communautarienne des gens[3] ». Dans un autre texte, le philosophe accuse un militant gay pro-charte de prôner « un discours qui vise des minorités sous la forme d’un profilage ethnoreligieux[4] ». Sur le blogue du site de Québec inclusif, il compare le Parti québécois d’aujourd’hui au Front national, déclarant ensuite qu’il craint « un glissement (du PQ) vers le national-populisme[5] ». Un lecteur vigilant nous reprochera ici de livrer des citations hors contextes. Il est vrai que nous ne livrons pas de contexte avec ces mots. Seymour non plus d’ailleurs. Avec un manque de rigueur intellectuelle qui ne lui fait pas honneur, le philosophe appuie ses affirmations en utilisant un vocabulaire académique et en déclarant simplement que l’opposition à la charte est conforme à la philosophie de John Rawls. Utiliser ces références n’a rien de mal en soi. Le problème est plutôt que Seymour cite cet auteur et quelques concepts à la manière d’un curé d’antan citant la Bible pour condamner au bûcher un hérétique. Au gré d’un argumentaire très mince, il condamne moralement le projet de charte et ses défenseurs en les associant à l’intolérance et au conservatisme, anathème conventionnel de certains milieux intellectuels. Mais Seymour n’est pas le seul sympathisant de Québec inclusif à afficher une telle attitude.
Sur le blogue du site du regroupement, la poète et traductrice Pascale Cormier dénonce les préjugés islamophobes des défenseurs de la charte et termine son texte en déclarant :
Fichons la paix aux autres et laissons-les vivre leur vie, si nous ne voulons pas qu’un nombre grandissant d’entre eux soient tentés, demain, de rejoindre les rangs des fanatiques. Parce que, franchement, c’est nous, avec notre bêtise et nos préjugés, qui les y aurons poussés[6].
En d’autres mots, s’opposer à la charte est la seule position morale possible. La défendre, c’est prôner des préjugés si odieux qu’ils justifient des actes terroristes. Sur la page Facebook du groupuscule, son président, l’avocat Rémi Bourget, réagit à la décision du Parti québécois d’employer la disposition de dérogation pour défendre sa charte en déclarant « Ces gens qui ont si peu de respect pour les droits des minorités sont dangereux[7] ».
Le blogue du regroupement Québec inclusif comporte aussi quelques lignes semblables, provenant de l’économiste Ianik Marcil, qui déclare que la charte est un acte politique injustifié, fondé uniquement sur des propos anecdotiques sans profondeur. Ainsi, il déclare que la charte ne mérite même pas d’être appelée « la charte pour les nuls », mais plutôt « la charte pour les bambins[8] ». Dans un autre texte, l’économiste déclare aussi que la charte ne concerne réellement qu’un minuscule pourcentage de la population québécoise, concentré sur l’île de Montréal. Compte tenu de cela, le gouvernement Marois aurait « créé de toutes pièces une crise sociale et politique inédite dans l’histoire moderne du Québec », puis Marcil conclut en déclarant « Rarement en démocratie aura-t-on vu une pareille tyrannie de la majorité s’exercer de la sorte et être fièrement revendiquée par un gouvernement et un parti politique[9]. »
Face à des propos si lourds et graves, on a parfois l’impression que les auteurs cités se dressent contre le déploiement de nouvelles chambres à gaz. On s’attend ainsi à lire des élaborations qui expliqueraient l’indignation affichée. Or, voilà une attente que les inclusifs ne manquent pas de décevoir. Malgré l’usage de concepts philosophiques et juridiques, nous n’arrivons pas à lier les sévères accusations d’intolérance des inclusifs avec les conséquences concrètes de la charte. Il est évident que pour ces militants l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans la fonction publique québécoise est moralement équivalente aux pires ostracismes de notre époque. On peut, certes, comprendre une opposition à la charte, mais pourquoi une telle hargne ? Les inclusifs ne le disent pas, leurs occasionnels et maladroits recours à des concepts académiques n’arrivent jamais à expliquer la nécessité d’une telle haine envers la charte péquiste et ses défenseurs.
Or, même si les causes véritables d’une telle hargne demeurent mystérieuses et dissociées de l’enjeu, il reste que cette dernière a un impact sur le débat public. À force de lire des propos qui semblent justifier un hypothétique terrorisme anticharte, qui décrivent une présumée tyrannie de la majorité et qui martèlent incessamment sur l’intolérance de la charte des valeurs, on croit entendre les termes utilisés pour désigner à mots couverts des pages sombres de l’histoire occidentale. Pensons à de terribles tragédies comme la ségrégation raciale américaine, l’apartheid sud-africain et l’holocauste nazi. Seuls quelques mots manquent pour compléter l’association entre les prochartes et ces sombres pages de l’histoire : racisme, nazisme, pétainisme, fascisme. Les accusations incessantes d’intolérance, de populisme et de mesquinerie laissent l’impression que ces mots brûlent les lèvres des auteurs inclusifs.
D’ailleurs, plusieurs sympathisants moins connus de Québec inclusif n’hésitent pas à se livrer à des accusations de fascisme. Sur les réseaux sociaux, on peut facilement voir ces individus verbaliser un curieux mélange de mots académiques à la mode et de verbiages orduriers pour dénigrer les défenseurs de la charte des valeurs. Face à de telles attitudes, on voit vite une chose. Pour ces individus qui se réclament de l’idéologie inclusive, la charte des valeurs et ses défenseurs n’ont aucune légitimité et leurs idées politiques sont parmi les plus détestables. Le monde serait beaucoup mieux sans eux. Les prochartes et leurs idées ont droit à un procès d’intention et sont relégués aux pires bêtises et aux pires moments de l’aventure humaine. Ils ne seraient que des descendants idéologiques du nazisme. Par politesse, ce mot n’est pas employé, et c’est bien la seule politesse que les auteurs cités adressent à leurs cibles, mais toute la haine inclusive montre bien que ses porteurs se sentent investis d’une mission sacrée, d’inspiration antifasciste.
En conclusion, on voit là le fond de la chose qu’est Québec inclusif. Malgré ses appels répétés au pluralisme et à la tolérance, ces valeurs sont les dernières à être pratiquées par les défenseurs de cet organisme. Un tel mélange de haine et de raisonnement philosophique approximatif, lancé aux quatre vents, ne peut avoir qu’un effet : un appauvrissement et un empoisonnement des débats auxquels les inclusifs participent. Si ces militants désirent réellement rendre notre société plus tolérante et pluraliste, il serait grand temps qu’ils incarnent réellement ces vertus, plutôt que de s’en tenir à les nommer de manière purement ostentatoire.
[1] Billet facebook intitulé « Québec inclusif dénonce l’intention du Parti québécois [sic] de recourir à la clause nonobstant ». Texte publié le 31 mars 2014. Consulté le 17 décembre 2014.
[2]Seymour, M. (2014) « Un parti conservateur au pouvoir à Québec », Huffington Post Québec. Texte publié le 22 janvier 2014. Consulté le 16 décembre 2014
[3] Seymour, M. (2014) « Un autre argument pluraliste contre le projet de loi 60 ». Huffington Post Québec. Texte publié le 4 février 2014. Consulté le 16 décembre 2014
[4]Seymour, M. (2014) « Les LGBT ne doivent pas se laisser instrumentaliser par la droite », Huffington Post Québec. Publié le 30 avril 2014. Consulté le 15 décembre 2014
[5] Seymour, M. (2014) « Errances et outrances de Louise Mailloux ». Blogue de Québec inclusif. Texte publié le 18 mars 2014. Consulté le 15 décembre 2014.
[6] Cormier, P. (2014) « L’islam, la charia et les préjugés. Blogue de Québec inclusif . Publié le 17 avril 2014. Consulté le 17 décembre 2014.
[7]Billet facebook intitulé « Québec inclusif dénonce l’intention du Parti québécois de recourir à la clause nonobstant ». Texte publié le 31 mars 2014. Consulté le 17 décembre 2014.
[8] Marcil, I. (2014) « Le délicat exercice de la démocratie ». Blogue de Québec inclusif . Publié le 11 mars 2014. Consulté le 15 décembre 2014.
[9]Ian Marcil, (2014) « Les trois solitudes ». Blogue de Québec inclusif . Publié le 3 avril 2014. Consulté le 16 décembre 2014.
Sébastien Bilodeau
Via Action Nationale