Par les temps qui courent, l’austérité libérale va bon train dans la Belle Province. La réforme Barrette avance tant bien que mal à l’aveuglette tel un rouleau compresseur. Le ministre de l’Éducation François Blais menace d’annuler les sessions des étudiants. Bref, malgré le bras de fer qui s’annonce, rien ne semble pouvoir ralentir le train des «vraies affaires» libérales.
Parlons-en des vraies affaires : parlons du coût quotidien du statut provincial du Québec. Ce coût-là, il n’apparaît pas comme des chiffres sur une facture ou sur un relevé de compte. Parce que c’est bien d’abord un coût psychologique, un tribut culturel que nous payons en restant locataires chez soi. En effet, on a parfois l’impression qu’il faudrait se résigner à n’être que des grands fatigués de l’existence collective, se résigner à n’être qu’un peuple en faillite en proie à un Québec «dans le rouge» qui ne sait plus être responsable de lui-même.
Quand Hubert Aquin écrivait en 1962 que nous étions en état de fatigue culturelle, il avait évidemment raison. Mais, de nos jours, la fatigue qui nous guette est différente. Elle n’est plus celle d’un peuple qui attend d’accéder pleinement à la modernité, mais celle d’un peuple qui tente maintenant de réaliser un projet moderne à une époque post-moderne.
Une grosse tribu sans droits politiques
La postmodernité, c’est le passage du concert des nations à l’ère multiculturaliste des tribus identitaires. Et aux yeux des fédéralistes, des dépendantistes, c’est bien ce qu’on est : une grosse tribu. Une grosse tribu réduite à son propre folklore, qui n’a pas plus de droits politiques qu’une association de chasse à l’arc ou qu’un club d’admirateurs du Canadien de Montréal. Dans un cadre comme celui-ci, l’idéal de l’individu autonome, responsable, n’existe plus. Contrairement à ce que l’on peut bien croire, ce qu’on qualifie aujourd’hui d’individualisme, dans un contexte de multiculturalisme, ce n’est ni plus ni moins que le retour forcé à la tribu.
Car du point de vue du gouvernement libéral, il n’y pas vraiment de société, de peuple ou de nation québécoise. Il y a juste du «social» ; c’est-à-dire des tribus identitaires et des groupes d’intérêts qui interagissent. Ces groupes, tous égaux juridiquement, sont libres d’accaparer le bien commun pour obtenir des gains politiques relatifs à leurs intérêts. En attendant, le gouvernement des « vraies affaires » s’occupe à gérer subrepticement le déclin, pendant que le « social », tribus identitaires et groupes d’intérêts, s’exerce à dissoudre lentement mais surement la société.
Cependant, le déclin de la société québécoise et la postmodernité n’ont rien d’inévitable et de définitif. Quand on se sort un peu la tête des « vraies affaires » libérales, de ce gouvernement qui prétend gérer le « social » rationnellement en étant affranchi des idéologies, on se rend bien compte qu’autre chose est possible.
Le gouvernement libéral a fait son bout de chemin en se présentant comme pragmatique, s’occupant du réel et excluant les problèmes qui n’existent pas, soit les débats symboliques, les débats de principes et d’identité. On comprendra le mot d’ordre : s’occuper des « vraies affaires », c’est s’occuper des apparences, c’est s’occuper de ce qui est placé à la surface des choses.
Être et s’assumer enfin
Nous croyons que comme indépendantistes nous devons nous occuper à la fois d’enjeux pragmatiques et d’enjeux de principes relatifs à l’identité. Et s’occuper d’enjeux identitaires, cela ne veut pas dire débattre éternellement sur ce que nous sommes; cela veut dire l’être, tout simplement. Pour nous, l’indépendance doit être ni plus ni moins qu’une pratique politique, c’est-à-dire une pratique du pouvoir dont la finalité du pays est contenue dans les moyens politiques mêmes.
Comme adulte libre et autonome, notre identité personnelle, c’est-à-dire nos principes et nos valeurs, sont indissociables des moyens économiques et professionnels que nous prenons pour vivre et nous épanouir dans la vie. Il doit en être de même en ce qui concerne la pratique du pouvoir si on veut parvenir à l’indépendance du Québec.
Car n’en déplaise aux gérants des vraies affaires libérales tout autant qu’à leurs détracteurs s’imaginant que le Québec peut devenir une société autre en s’épargnant de régler une bonne fois pour toutes la question nationale, nous sommes à un moment clé de notre histoire où il faudra trancher et s’assumer. Assumer cette condition provinciale débilitante et concourir au déclin tranquille ou, au contraire, opter pour la liberté et la responsabilité collective en réalisant l’indépendance du Québec.
Ce texte est cosigné par l’exécutif de Génération nationale: Florence Beaudet, Sébastien Bilodeau, Étienne Boudou-Laforce, Julie Durand, Mathieu Pelletier et Simon-Pierre Savard-Tremblay
Via Le Huffington Post