La république, un idéal confisqué - Phillippe Dujardin

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Il y a quelque temps, on m’a demandé d’écrire un petit texte sur l’intérêt de la république au Québec. J’ai accepté, me disant que ce serait vite fait. Mais au moment d’écrire, constatant l’ignorance du concept républicain auprès des citoyens, se limitant au mieux à des : « la république c’est quand il n’y a pas de roi », et au pire à des : « moi je suis pour les démocrates, monsieur ! », le syndrome de la page blanche. Comment écrire un article sans être pompeux, déconnecté des réalités de la population et sans tenir un discours inintelligible et hermétique ?

Ça fait plus d’un mois que j’ai promis ce petit texte vite fait.

Je me suis dit au début que j’allais répondre à une question toute bête dont les réponses sont évidentes : « quel est l’intérêt pour le citoyen québécois de s’intéresser à la république ? ». Mais en réalité, la question devrait être : « pourquoi aucun parti québécois ne milite activement pour la république au Québec ? ». Ce mot a été totalement retiré du débat, confisqué par une élite politique. Pourquoi ?

Je comprends les fédéralistes de ne pas vouloir toucher au mot, cela voudrait dire entrer en conflit direct avec la monarchie canadienne, le fruit n’est pas mûr, on le sait. Mais les autres ? Une chose est sûre, dans un Québec devenu pays nous ne serons pas une monarchie. On nous dit que l’idée est déjà vendue, que c’est une évidence, que cela ne sert à rien d’en parler maintenant, tout en nous disant qu’on va révoquer le poste de lieutenant-gouverneur, quelle ironie ! Et pourtant, quand on parle avec les gens indécis, beaucoup d’entre eux hésitent d’épouser la cause indépendantiste parce qu’ils n’ont aucune idée à quoi va ressembler le pays qu’on essaye de leur vendre. « Voulez-vous un pays ? Oui ou non ? » Pas très vendeur. Quel pays ? Laïc ? Bilingue ? Une fédération de régions ? Un état centralisé ? Un président ? Élu comment ? Avec quels pouvoirs ?

Le peuple aimerait savoir et surtout décider. Écœuré de ces politiciens qui savent ce qui est bon pour eux. Écœuré de ces politiciens profitant du système pour se faire élire monarque pour un mandat de 5 ans. Un premier ministre canadien cumulant alors les pouvoirs législatif, exécutif et les contres pouvoirs en nommant juges, sénateurs, hauts-fonctionnaires, chef de police, etc. Dédoublé ensuite par un premier ministre québécois répétant ceci (le tout étant une source énorme de corruption et collusion politique). La sanction royale est le pouvoir suprême au canada et les premiers ministres abusent de cette réalité et en la récupérant à leur avantage. Le peuple là-dedans ? Il n’a aucun pouvoir décisionnel, c’est cela une monarchie constitutionnelle.

Alors pourquoi nos élites indépendantistes hésitent à parler de la république. De mon avis, parce que la république c’est le pouvoir du peuple sur la politique, la Res Publica, dans le sens : « les affaires contrôlées par la population ». Nos élites semblent peu enclines à redonner le pouvoir au peuple. La république c’est bien plus que des référendums d’initiative populaire. C’est bien plus que des élections proportionnelles. Et si on donne le pouvoir au peuple, celui-ci risque de ne pas conforter le modèle politique actuel nourrissant certains politiciens de carrières et lobbyistes, assurant l’alternance des partis de pouvoir. C’est en plus confronter directement le Canada dans ce qu’il a de plus profond et unitaire, la reine que Harper nous affiche d’un océan à l’autre. La réaction risque d’être violente.

Nous avons tout à gagner en tant que peuple, en tant que population, de bâtir une république au Québec. Cela naturellement en ne reproduisant pas les erreurs commises dans d’autres républiques, par exemple la 5ème qui a cours en France. Mais pour cela, il faudrait faire de l’éducation populaire, redonner ce mot au peuple, car c’est avec les mots qu’on bâtit les causes que l’on défend. Est-ce qu’un seul parti prétendu indépendantiste aura le courage de le faire ? C’est la vraie question.