Manifeste - Génération Nationale

Manifeste de Génération nationale

 

 

Génération nationale a été fondée dans le but de défendre le modèle de l’État-nation. Alors que la question de notre statut national n’est toujours pas réglée, une forme d’autodénigrement décomplexé sous couvert de bons sentiments semble émerger au sein de nos élites. Tandis que le Québec semble actuellement bloqué, notre nation n’est pas à l’abri des pièges liés aux courants post nationaux se livrant à une compétition en matière de reniement de soi.

 

D’un côté, la « gauche accommodante » s’estime généralement « citoyenne du monde », « cosmopolite » et rejette les frontières. Cette gauche, sous couvert d’une rhétorique de la « tolérance », masque pourtant sa finalité première : le reniement de soi. Son « progressisme » la mène à l’acceptation de pratiques archaïques et obscurantistes au nom de « l’ouverture à l’autre ». De l’autre, une nouvelle « droite » s’auto qualifie bien souvent de « libertarienne ». Ceux qui s’en réclament versent dans un individualisme forcené et dans un rejet viscéral de l’appartenance nationale. Ceux qui s’en réclament sont bien souvent anglomanes, fédéralistes, partisans de la mondialisation financière et obsédés par la culture américaine. Pour elle, le capital ne saurait s’arrêter là où frontière se dresse.

 

Entre ces deux options, l’idée nationale doit prévaloir comme horizon de pensée. Génération nationale réaffirme la légitimité même de la majorité historique de se définir comme référence culturelle permettant d’accéder à l’universel. Notre statut de « petite nation » — dont l’existence même n’est aucunement garantie à long terme — exige précisément une fermeté accrue en matière d’affirmation identitaire. La nation se doit d’être le cadre de solidarité et de protection de ses composantes, surtout à l’ère de la mondialisation soi-disant immuable.

 

Pour nous, la question nationale comme axe de polarisation n’est aucunement dépassée. Si la tentation de se normaliser et de placer le débat sur le même pôle que l’ensemble des sociétés matures et achevées est bien réelle, on ne peut se comporter comme si le Québec était déjà un pays alors qu’il n’en est pas encore un. Aucun projet de société n’est réalisable tant et aussi longtemps que la nation québécoise sera en elle-même inachevée et condamnée au statut de sous-État, à moins de démissionner collectivement du projet d’indépendance – ce qui aurait des conséquences dramatiques et permanentes.

 

  • Génération nationale croit que notre nation se fonde sur un territoire et sur un héritage socioculturel commun

 

La nation est un tout car elle se fonde sur des raisons communes donnant un sens à ses fondements. Elle est une communauté historique et territoriale unie par une culture. Nous devons la préserver de l’homogénéisation qui la guette. Génération nationale défend ardemment l’État-nation comme nécessité politique pour un Québec qui veut assurer son existence sur le long terme. À cette nation, tous sont libres de s’y joindre s’ils saisissent les diverses implications et obligations qui viennent avec l’adhésion à celle-ci.

 

Nous rejetons ainsi avec véhémence le modèle de gestion de la diversité et l’idéologie portant le nom de « multiculturalisme », qui mène à la ghettoïsation et à la fragmentation sociale. Le multiculturalisme s’inscrit dans une logique proprement canadienne, soit celle d’une mission civilisatrice, doublée de la légitimation par Ottawa de son propre pouvoir de déterminer quels aspects de la culture québécoise sont acceptables à traduire en tant que politiques publiques, et lesquels ne le sont pas. Par son refus de reconnaître constitutionnellement la nation québécoise pourtant préexistante à l’État canadien, Ottawa montre bien les limites de sa « tolérance » envers l’affirmation culturelle de cette dernière.

 

  • Génération nationale est indépendantiste

 

Après plus de trois décennies d’imposition unilatérale d’une constitution canadienne sans le Québec, le Canada est aujourd’hui irréformable. La « province de Québec » est en perte de moyens, tandis que le régime canadien mine les bases de la capacité d’agir de l’État québécois. Une tendance très nette se dessine : nous ne serons à jamais qu’une minorité au sein du Canada, et notre minorisation ne pourra que s’accentuer avec le temps. Chaque jour au sein du Canada nous aplatit et nous n’en sommes que davantage folklorisés. C’est dans l’indépendance que notre nation s’accomplira pleinement aux côtés des peuples libres.

 

Le débat politique au Québec est désespérément « provincial », c’est-à-dire étroit de point de vue et pauvre d’ambition. On y est condamné à discuter constamment de la manière d’aménager notre statut d’État incomplet. La politicaillerie partisane empêche la formulation de solutions complètes à nos problèmes. Elle tourne autour de la vente de rêves et non de résultats. La condition nationale, au Québec, se résume à une acceptation résignée de solutions inadéquates. Le provincialisme aplatit la politique et il représente bien en cela un certain inachèvement de la société québécoise. Même si plusieurs refusent de le voir, ce provincialisme condamne le Québec à la petitesse. L’État provincial ne semble plus avoir d’autre fonction que de coaliser des intérêts particuliers. Comme ailleurs en Occident, la volonté majoritaire et la légitimité électorale et institutionnelle d’un gouvernement sont ici en déclin. Mais le provincialisme aggrave les conséquences associées à la crise que traverse la démocratie de représentation. Ce provincialisme impose également des pathologies pour le moins particulières au débat québécois, faisant passer l’aspiration à l’indépendance pour une obsession particulièrement radicale, confondant l’audace avec l’extrémisme et le compromis avec la compromission. Pour nous, le Québec n’est tout simplement pas gouvernable en tant que province.

 

L’indépendance ne peut non plus être partielle ou dépendre du bon vouloir d’Ottawa. Pour nous, l’indépendance n’est pas un référendum, une date sur un calendrier ou un « Grand Soir », en attente duquel l’exercice de la gouvernance provinciale se suffirait amplement. Génération nationale juge que l’indépendance se réalise concrètement à travers l’exercice du pouvoir politique. Nous détenons un État et il importe de l’utiliser.

 

  • Génération nationale est favorable à la démondialisation

 

La mondialisation est aujourd’hui entièrement soumise à un système financier spéculatif complètement débridé, en plus d’ériger la montée de corporations transnationales parfois bien plus puissantes que les États.

 

Les grands fonds actionnariaux ont désormais le pouvoir d’orienter pleinement les choix d’une compagnie et en détiennent le véritable contrôle. Pour eux, délocaliser ou mettre à pied des salariés n’est qu’un choix économique au service d’un objectif, la maximisation du profit. Si la recherche de la maximisation du profit n’est un problème en soi, il n’y a cependant qu’un pas à faire pour que cette logique spécifique s’envenime, ruinant de fait des centaines de vies. Les actionnaires pèsent ainsi de plus en plus lourd dans les décisions des entreprises. En contexte de marchés financiers libéralisés, la mobilité des actionnaires est presque totale. Ils sont ainsi en mesure de se préparer des stratégies de sortie des entreprises à tout moment. Cela signifie que les salariés — et, parfois, les populations environnantes — sont les seuls à véritablement assumer les risques, pendant que les actionnaires peuvent imposer des objectifs de profit irréalistes et se départir de leurs actions avant que la catastrophe ne se produise, se dégageant ainsi de toute responsabilité.

 

Lorsqu’une multinationale s’installe en région – notamment dans le commerce de détail – ce ne sont pas seulement les commerces locaux qui en souffrent, ce sont également les rapports entre  l’offre et la demande qui s’en trouvent bouleversés en permanence. L’implantation d’une transnationale finit par tuer la concurrence locale, alors que le géant règnera sans partage sur un marché local captif. La gamme de produits s’élèvera d’ailleurs à peine au-dessus de la pacotille et les salaires versés par ces entreprises resteront plutôt bas, et ce, sans compter l’absence de bénéfices sociaux. Certaines transnationales ont acquis un pouvoir immense, quasi supra-étatique. Cela est conforme à un certain discours prônant la supériorité, pour assurer le développement économique, d’une organisation à but lucratif sur une entité exempte de telles motivations.

 

Quant aux traités de libre-échange, leur plus important problème est qu’ils imposent la permanence des contraintes aux signataires. Lorsqu’il sera nécessaire de changer de direction, il sera trop tard, car juridiquement impossible pour l’État de procéder. C’est là la différence entre une mesure adoptée et une autre qui résulterait d’un accord réglementaire international. Or, la bonne mesure socio-économique d’aujourd’hui n’est pas nécessairement celle de demain. Aucun contrat — et un traité commercial en est un — ne devrait représenter autre chose que le résultat d’un contexte précis. Si ce contexte se modifiait, il serait fâcheux qu’un véritable arsenal juridique empêche tout changement de voie. Thomas Jefferson disait qu’aucune génération ne saurait être liée par les décisions prises par la précédente. Les jeunes d’aujourd’hui sont encore bien loin de contrôler les hautes sphères de l’État. Ils seront cependant forcés de subir les contrecoups d’accords aux dispositions des plus difficilement révocables.

 

Le libre-échangisme participe aussi à la fameuse judiciarisation du politique. On ne doit pas oublier l’émergence de cénacles juridiques, composés de « rois philosophes » chargés de trancher du bon et du juste. Qui dit enfermement de l’État dans des contraintes réglementaires, dit aussi émergence d’une caste de juristes chargés d’interpréter les litiges. Depuis que les accords de libre-échange prolifèrent, des clauses y sont incluses afin de soutenir le démantèlement de politiques nationales en favorisant les poursuites des États par les investisseurs étrangers si ceux-ci estiment que leurs profits sont menacés. Il deviendra ainsi de plus en plus ardu pour un État de légiférer sur des questions de bien commun liées, par exemple, à la justice sociale, à l’environnement, aux conditions des travailleurs ou à la santé publique si la compagnie transnationale se croit lésée. En cas de différend, un tribunal supranational sera chargé de rendre son jugement à la lumière de son interprétation du traité. Les litiges sont généralement longs et par conséquent très lucratifs : les firmes d’avocats en rêvent déjà. Si la souveraineté ne relève du politique, la voici désormais déléguée à des institutions qui n’ont d’autre base que celle du juridisme.

 

La souveraineté de l’État est une condition essentielle à la démocratie, pour redonner tout son sens à l’engagement politique. Que signifie, par exemple, l’élection d’un gouvernement si celui-ci en vient à être chargé d’une entité complètement impuissante ? C’est la société en elle-même qui se trouve neutralisée. Les jeunes ne veulent plus de sermons sur leur participation à l’avenir de leur collectivité : pour y contribuer, encore faut-il qu’il leur reste quelques moyens pour le faire.

 

L’utopie mondialiste est responsable de la dissolution de l’économie québécoise. En plus des fuites de sièges sociaux et de la mort du Québec Inc., nos instruments tels qu’Hydro-Québec et la Caisse de dépôt et placement ont été détournés de leur vocation première et soumises aux intérêts d’affairistes. Ils sont plus que jamais menacés de dislocation.

 

Génération nationale appuie une démondialisation qui restitue le pouvoir d’agir de l’État et qui nous permette de penser l’économie nationale à travers de nouvelles bases, rejetant les mythes habituels d’une économie libérale prétendant à tort reposer sur des bases scientifiques.

 

  • Génération nationale défend ardemment la langue française

 

Notre langue nationale n’est pas qu’un moyen de communication. Si nous devions limiter son rôle à une telle définition, elle serait toujours moins « utile » que la langue anglaise. Elle est plutôt l’expression d’une culture nationale, héritée de ceux qui nous ont précédés et à laquelle nous participons nous-mêmes. Elle est aujourd’hui bien malmenée et mise en danger par un phénomène rampant d’anglicisation contre lequel il faut se prémunir. Nous prônons ainsi tout à la fois l’approche de la responsabilité individuelle que celle de la politique proactive en la matière, laquelle se traduirait à la fois par une application réelles de la Charte de la langue française ainsi que par son renforcement. L’établissement du français comme langue d’État est une mesure républicaine essentielle.

 

Les institutions communes, selon une telle conception, ont pour vocation de relayer ce qui unit l’ensemble des composantes de la société en constituant le lien collectif. La culture de tradition française est conçue dès lors tel un foyer de convergence culturelle. La raison en est fort simple : en régime démocratique, les citoyens doivent pouvoir s’entendre sur un lieu commun d’échange permettant le dialogue. Il n’est pas question pour la culture de tradition française d’abolir les autres cultures sur le territoire du Québec, mais bien de constituer un lieu de réunion concret, sensible, nécessaire à l’établissement d’un sentiment commun d’appartenance, d’une vision partagée du bien commun.

 

  • Génération nationale prône une laïcité véritable et respectueuse de notre patrimoine

 

L’influence des élites multiculturalistes qui se fait de plus en plus sentir ne menace pas seulement l’identité québécoise. La souveraineté démocratique repose, entre autres, sur un principe fondamental : une saine séparation du religieux et du politique. Génération nationale tient pour essentiel ce fondement de notre civilisation. Nous faisons valoir le principe d’une véritable laïcité qui ne soit pas qu’une façade et qui s’affirme clairement dans l’espace public québécois. Nous estimons ainsi que les signes religieux ostentatoires n’ont pas leur place dans la fonction publique. Nos institutions doivent donc relayer ce qui unit l’ensemble des composantes de la société, tout en constituant un lieu de convergence par rapport à ce qui nous distingue et nous divise.

 

La laïcité établit des règles formant la base du vivre-ensemble et un pacte civique que l’on pourrait qualifier de citoyenneté, certains — visiblement allergiques aux concepts de collectivité et de choix de société — préfèrent ne parler qu’en termes de « droits individuels ». Résultat : on peine à envisager le devenir de la société québécoise autrement que par le spectre d’une communauté fragmentée, où l’émancipation personnelle figurerait comme seul horizon de vie. Or, c’est justement parce que les Chartes de droits et libertés existent et prennent un espace considérable dans nos vies que nous proposons de retrouver un équilibre en adoptant de nouvelles politiques de convergence par la laïcité.

 

  • Génération nationale croit en l’éducation

 

Nous l’affirmons sans détour : l’école québécoise de la « réforme pédagogique » constitue une dérive. En écrasant la transmission de connaissances au profit de l’acquisition de compétences, elle tend à confiner l’éducation dans un rôle strictement technique et utilitaire. En centrant l’apprentissage sur l’élève, elle le conforte dans un individualisme étroit et obtus portant atteinte à sa capacité de jugement et de réflexion personnelle. L’école québécoise se caractérise désormais par un oubli de la société majoritaire, des normes et des institutions qui la porte. Ces dernières décennies, la maximisation des critères d’accessibilité et la « démocratisation » se sont traduites par un abaissement constant des seuils de réussite. La réussite, lorsque celle-ci passe outre la notion d’effort, nous semble n’avoir que bien peu de valeur. Nous croyons qu’il faut prioriser le dépassement de soi, le mérite, la discipline et l’excellence.

 

Quant à l’université, elle est aujourd’hui soumise à une logique de rentabilité et d’intégration totale aux exigences de l’économie dominante. Les programmes d’enseignement ont été transformés en techniques professionnelles, dont on valorise les plus utilitaires d’entre elles. On évoque même parfois l’idée d’abolir les programmes peu rentables financièrement, ou encore ceux qui ne garantissent pas directement un accès au marché du travail. On ne trouve guère un meilleur exemple de la dérive de l’université que cette dévalorisation du savoir prétendument non utilitaire. Les universités sont aujourd’hui traversées une obsession concurrentielle. La course aux subventions fait force de loi, et la survalorisation de la recherche universitaire a transformé la vocation du professeur. Trop professeurs ont tendance à se désintéresser de l’enseignement, s’acquittant à peine du strict minimum en la matière. Transmettre le savoir à de jeunes bacheliers en devenir est devenu beaucoup moins valorisant que le statut social qui vient avec l’appartenance à la grande communauté des chercheurs reconnus.

 

Les universités sont davantage mal financées que sous-financées, alors que l’enseignement voit ses ressources financières consacrées se réduire comme peau de chagrin, pendant que celles qui sont allouées à la recherche se portent à merveille. Certains estiment pourtant que les étudiants ont à payer la note pour de l’argent mal dispensé. Plusieurs de ceux qui dénoncent cette marchandisation croissante de l’éducation en appellent à une université publique. On se permettra de parler plutôt d’université véritable, laquelle est publique par définition. Le Québec aurait, par conséquent, tout intérêt à faire le choix de société qu’est la gratuité scolaire. Il en a les moyens, à condition d’établir des balises et des conditions strictes. Plusieurs formules peuvent être envisagées et méritent d’être analysées. Nous en viendrions ainsi à voir l’université comme une institution devant former des êtres libres et complets, pas inculquer la mentalité de l’utilisateur-payeur désincarné.