Trump face au commerce mondialisé

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Le monde commence à peine à reprendre son souffle et à se faire l’idée. Pourtant, il est encore impossible de savoir précisément quelles promesses seront tenues et lesquelles seront jetées aux orties. Plusieurs s’inquiètent du fait que Donald Trump aura les coudées franches de par la victoire des Républicains tant au Sénat qu’à la Chambre des représentants. D’aucuns auraient été plus rassurés si le Parti démocrate avait pu au moins rafler ces deux instances à défaut d’obtenir la présidence, question d’équilibrer les volontés du principal dirigeant. Ce serait oublier que, tant dans les primaires que pendant l’élection générale, Trump a gagné contre son propre parti et que ce dernier veillera certainement au grain. Malheureusement, ajouterais-je, sur certaines positions où Trump rompt positivement avec son parti. Car, aussi libéral soit-il (proposant notamment des baisses d’impôts plutôt irréalistes si la croissance américaine n’est pas au rendez-vous), le projet de Trump est porteur d’un important virage dans la conduite des affaires publiques, s’il respecte sa parole. Son plan de dépenses dans les infrastructures, se chiffrant dans les mille milliards de dollars, en est un exemple. Mais, ce qui nous intéresse le plus dans le cadre de cet article, c’est la potentielle contribution des États-Unis au nouveau monde qui se dessine.

Les principales promesses

On sait que Trump a critiqué vivement le libre-échange pendant la campagne alors qu’il tentait d’en séduire les victimes. Mais quels sont clairement ses engagements en la matière ?

1) Le candidat Trump a promis de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), ou de s’en retirer advenant une fin de non-recevoir. Quelles seront les demandes américaines advenant une renégociation ? On ne le sait trop encore. Les compagnies transnationales étant très puissantes aux États-Unis, on peut douter fortement que l’administration Trump remette en question le fameux chapitre 11, qui a ouvert la porte à un paquet de poursuites des corporations contre les États lorsque ceux-ci adoptaient des politiques susceptibles de restreindre les profits. C’est surtout le Canada qui, de toute manière, a été la cible de cette contorsion juridique. Nous verrons néanmoins assez rapidement ce que Trump a derrière la tête.

2) Trump prévoit annoncer le retrait américain du Partenariat transpacifique (PTP), un des traités les plus nocifs des dernières années. Le Canada a affiché un enthousiasme assez important au moment de l’annonce, en pleine élection de 2015, des grandes lignes du PTP. Par la suite, à mesure qu’il était évident que Trump serait bel et bien choisi comme candidat républicain et que l’appui d’Hillary Clinton au PTP s’est mis à ramollir, le Canada a plutôt opté pour la position du « on verra » tout en sachant que l’avenir de l’accord était, dans tous les cas, très incertain et que les États-Unis auraient le gros bout du bâton.

3) Le Secrétaire du Commerce et le bureau du représentant commercial américain auront à identifier tous les abus commerciaux venant de l’étranger, dont sont victimes les travailleurs américains. Tous les moyens légaux (allant jusqu’au droit international seront employés). L’inquiétude face aux injustices commerciales ne date pas d’hier : sous les présidences de Jimmy Carter et de Ronald Reagan, plusieurs commissions avaient été mises en place pour comprendre les raisons du déficit dans la balance commerciale américaine.

4) Mettre en place des tarifs douaniers de manière à démotiver les compagnies à délocaliser à l’étranger tout en renvoyant ensuite leurs produits gratuitement aux États-Unis. Une situation aberrante méritant effectivement d’être corrigée.

5) En janvier dernier, Trump proposait de taxer à hauteur de 45 pourcent les produits chinois entrant sur le territoire américain.

6) Je surprendrai peut-être le lecteur en introduisant ici que les relations avec la Russie devraient normalement être amoindries et que Trump semble peu porté sur les agressions militaires à l’étranger. Ces idées ont leur place dans cette liste dans la mesure où la guerre n’est bien souvent qu’une poursuite du commerce par d’autres moyens.

Vaste programme ! Reste à voir lesquelles de ces promesses (et j’en oublie peut-être…) concernant le commerce international seront réalisées. Le plan de Trump en cette matière comprend la pertinence politique des frontières.

Le Canada ne devrait pas s’inquiéter abusivement. Comme l’ambassadeur américain à Ottawa l’affirmait le jour de l’élection, les deux voisins continueront inévitablement à être des partenaires commerciaux, le libre-échange n’étant que l’aspect réglementaire de la chose. Pierre-Marc Johnson et Philippe Couillard devraient au passage méditer sur ces sages paroles, eux qui considèrent le libre-échange dans sa forme contemporaine et l’ouverture au commerce comme des synonymes.

Cependant, de par l’importance des États-Unis, le train vers la démondialisation vient peut-être de passer en vitesse supérieure.

Je traiterai demain des propositions de Trump par rapport à cet autre aspect fondamental du système mondial qu’est le monde financier et bancaire.

Simon-Pierrre Savard-Tremblay

Via Le Journal de Montréal