Il faut en finir avec « le souverainisme de province »*

Le 3 novembre dernier, Simon-Pierre Savard-Tremblay lançait son tout premier livre intitulé « Le souverainisme de province », publié chez Boréal. Un ouvrage déjà recensé et encensé par beaucoup d’intervenants (Gilles Toupin, Mathieu Bock-Côté, Mathieu Pelletier, Jacques Lanctôt, Jocelyn Beaudoin, Étienne Boudou-Laforce, Louis Cornelier et Tania Longpré), solidement documenté et avec une méthodologie minutieuse. Le jeune auteur est sociologue de formation et un militant engagé à titre de président à Génération nationale et collaborateur à la revue l’Action nationale.

La thèse contenue dans l’ouvrage de SPST fait le pari de ne pas laisser le lecteur en surface mais lui demande de faire un important retour historique avant de plonger bien plus loin dans le temps que la plupart des analyses faites jusqu’ici. Pour l’auteur, on ne peut pas se borner qu’à remettre constamment la faute de l’échec du souverainisme aux stratégies employées ou à l’incompétence de ses stratèges péquistes lors des référendums.

1973, le changement de cap

Dans le livre, Savard-Tremblay démontre que c’est à partir de l’élection de 1973 – ce qui fait grand changement des habituelles analyses entourant 1980 et 1995 – que le programme souverainiste constitué d’engagements clairs s’est muté dans ce qu’il affirme une « logique provincialiste » en glissant vers un étapisme confortable et vers le souci d’être perçu par le peuple comme le « bon gouvernement ». L’auteur nous raconte une anecdote, pourtant banale, d’une simple carte de rappel quelques jours avant le vote qui a selon lui produit le changement de cap qui a ravagé l’option indépendantiste:

Au cours de cette campagne qui s’appuyait sur un programme d’action souverainiste et sur des engagements clairs en faveur de l’indépendance, il se produisit un événement pour le moins étonnant.

Aux derniers jours de la campagne fut distribuée dans les foyers une carte de rappel ainsi libellée : « Aujourd’hui, je vote pour la seule équipe prête à former un vrai gouvernement. En 1975, par référendum, je déciderai de l’avenir du Québec. Une chose à la fois. » (p.115)

Malaise

Au courant de la lecture, SPST nous amène à prendre conscience de l’implication ou l’impuissance des Lévesque, Garon, Parizeau, Morin, Paquette et d’autres, dans ce changement de cap qui aurait passé presque inaperçu. Il estime que « les facteurs en apparence conjoncturels ont révélé l’ampleur d’un malaise structurel » qui est ancré depuis plus longtemps qu’on pourrait le penser. Le seul poing levé du candidat de St-Jérôme aura suffit pour dévoiler le malaise du Parti québécois envers sa propre option fondatrice, comme il l’évoque dans l’introduction de l’ouvrage.

Course à la chefferie : ne soyez pas des provincialistes

Alors que la course à la chefferie du Parti québécois commence à faire ses premiers remous, les candidats se « garochent » sur les idées (déjà mâchées auparavant) qui séduiront le plus de militants possibles : redonner le parti à ses membres, tenir le référendum à une date ou une autre, réunir tous les indépendantistes, réfléchir à des politiques gouvernementales lorsqu’on sera Premier ou Première ministre, etc. Les réseaux sociaux s’enflamment, les événements pullulent, les infographies avec de belles couleurs et les « égo-portraits » sont déjà de la partie. En accord avec le texte de Simon-Pierre Savard-Tremblay, il est primordial de laisser la politique partisane qui « tourne autour de la vente de rêves et non de résultats » et de revenir à des propositions qui vont former l’intérêt national. Cessez de souhaiter gouverner un état incomplet mais aspirez à démontrer la nécessité de politiques nationales qui seraient en rupture avec le provincialisme dans lequel nous sommes prisonniers. Au final, l’auteur suggère aux dirigeants souverainistes de s’engager dans une nouvelle Révolution tranquille.
Le livre « Le souverainisme de province » de Simon-Pierre Savard-Tremblay tombe à point au moment où les indépendantistes ont besoin de porter un regard lucide sur l’avenir de leur option et de ne pas reproduire les erreurs du passé.

Julie Durand
Via Indépendantes.org

Note de indépendantes.quebec: ce texte apparaîtra également dans la Section Lectures dans quelques jours.

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* « Le souverainisme de province » de Simon-Pierre Savard-Tremblay, Les Éditions du Boréal, Montréal, 2014, 226 pages. 24,95$.